Formation filmée en salle : 7 erreurs à éviter quand on veut en faire une formation en ligne
Partons du cas réel de la formation de Bertrand O. (le nom a volontairement été modifié)
Bertrand O., formateur dans un cabinet de conseil, commence a en avoir assez de donner sa formation présentielle sur l’utilisation basique de Power BI de Microsoft. Power BI est un logiciel pour analyser des quantités très importantes de données.
Il passe un temps fou, plusieurs jours par an, à former les jeunes consultants, pour leur expliquer comment nettoyer des jeux de données, comment les analyser sous plusieurs dimensions, comment faire des graphiques attrayants, et plein de sens…
Bertrand se dit que sa valeur ajoutée est faible. Il rabâche toujours les mêmes éléments de base, et il a le sentiment de perdre son temps.
Il préfère bien sûr passer du temps chez ses clients à résoudre des vrais problèmes, ou à former les développeurs informatiques de son équipe, car entre nous, c’est vraiment plus gratifiant.
Bertrand se dit qu’il filmerait bien sa prochaine formation présentielle, pour la mettre ensuite en ligne, comme ça hop ! Finies les formations présentielles ennuyantes !
Ce que veut faire Bertrand O.
Bertrand veut demander à un vidéaste de venir faire la capture vidéo.
Le vidéaste va faire de son mieux, pour capturer l’ambiance, et les éléments clés. Il montera ensuite des petites capsules, pour un total de 2 heures de formation en ligne. Le coût estimé est estimé à 4 000€ pour la captation, le montage, et le rendu.
Bertrand mettra ensuite ces vidéos sur YouTube, sur une chaîne “non-répertoriée”.
Les prochains jeunes consultants se formeront en regardant les vidéos sur YouTube.
Mais seulement quelques uns seront capables d’utiliser Power BI convenablement à l’issue de la formation.
Bertrand O. devra alors reprendre les autres consultants en salle pour les reformer.
Bilan : 4000€ de perdus, une image un peu écornée, et aucun gain de temps concret.
Pourquoi la formation en ligne de Bertrand O. n’atteindra pas son but ?
Quelles sont les 7 erreurs qu’il va commettre ?
Erreur n°1 : croire que le rythme d’une formation en ligne et d’une formation en salle sont identiques.
Faux ! Une formation en ligne se lit beaucoup plus rapidement. Car le stagiaire est seul face à son ordinateur. Il avance à son rythme, et peut même voir la vidéo en accéléré. Alors qu’en salle, le formateur doit être attentif à tout le monde, et veiller à ce que personne ne soit largué. En salle, il va donc plus lentement, fait des retours en arrière, des répétitions…
La structure d’une formation en ligne est plus directe. Pas besoin de retours en arrière. Le lecteur les fera par lui-même au besoin.
Essayer de filmer une formation présentielle pour en faire une formation en ligne va donc imposer de très nombreuses coupures au montage. Voire, un travail de réagencement complet.
Erreur n°2 : croire que l’ordre des chapitres est le même.
Faux ! dans une formation présentielle, le formateur va en général commencer par un tour de table des attentes des participants. Puis il va possiblement ajuster l’ordre des chapitres en fonction de ces attentes. Il va aussi se présenter pour assoir son autorité.
Filmer cela pour le mettre dans une formation en ligne n’a pas de sens. Le formateur en ligne est déjà connu de ses lecteurs, par les contenus publics et gratuits qu’il a pu fournir au préalable. Quant aux attentes du lecteur, elles sont connues, bien qu’implicites. Le formateur en ligne professionnel aura pris la pein de concevoir une formation en ligne qui répond pile-poil aux attentes exprimées par les lecteurs cibles dans des sondages ou des questionnaires.
La formation en ligne a donc un squelette figé, alors que la formation présentielle est flexible.
Erreur n°3 : croire que ce que l’on raconte en face à face est la même chose que ce que l’on dit dans une vidéo.
Faux ! En formation présentielle, on travaille en live, sans prompteur. Le formateur peut donc se permettre des digressions en fonction des commentaires ou questions des participants. Il est difficile de rendre le même effet en vidéo.
Le lecteur risque d’être un peu perdu et de s’ennuyer, voire de décrocher.
Dans une formation en ligne, les vidéos sont en principe scriptées à l’avance, avec des séquences, un ordre des idées bien établi. Cela rend d’ailleurs le contenu très efficace. Il faut en générale 3 à 4 fois moins de temps pour faire passer le même concept dans une formation en ligne que dans une formation présentielle.
Erreur n°4 : croire que les supports (PowerPoint par exemple) sont les mêmes.
Faux ! En formation présentielle, souvent le formateur utilise un vidéoprojecteur ou un écran pour projeter un Power Point pour lequel le contenu prend toute la place sur l’écran.
Dans une formation en ligne, plusieurs format sont possibles :
– le format “monsieur météo” avec le présentateur face-caméra, filmé sur fond vert, puis incrusté dans le power point. Il faut dans ce format là laisser la place pour que le formateur puisse tenir dans l’écran.
– le format “capture d’écran”, sans présentateur. En général, le Power Point sera beaucoup plus complet que celui de la formation présentielle. A minima, il devra certainement être plus dynamique, plus animé, avec une plus grande variété de photos, schémas, polices de caractères que celui utilisé en présentielle. Car le lecteur est seul face à son écran, et il ne doit pas s’ennuyer.
Erreur n°5 : croire que les exercices sont les mêmes.
Faux ! En formation présentielle, le formateur va privilégier des exercices collectifs, en binômes, trinômes, voir plus. Il va favoriser l’apprentissage par essai-erreur, et par effet miroir de chacun des stagiaires sur les autres.
Les exercices d’une formation en ligne doivent pouvoir être faits seul, et éventuellement être partagés sur un groupe d’un réseau social, ou bien envoyés au formateur pour avis.
Une formation en ligne permet l’usage de simulateurs, que le stagiaire en ligne peut utiliser à loisir, dans un temps illimité. Alors qu’en salle, le même simulateur ne sera utilisé que le temps de l’exercice.
La conception est donc très différente, mais dans tous les cas, l’efficacité d’apprentissage doit être recherchée.
Erreur n°6 : croire que la salle de formation permettra de filmer sans problème.
Faux ! Les caméras ont en général besoin de beaucoup de lumière pour que le rendu soit propre et agréable à regarder.
Les salles de formation sont souvent mal éclairées, avec des néons, et des fenêtres avec des stores à moitié cassés. Voire, les salles sont borgnes. Le paper board n’est pas éclairé, ce qui fait que si on essaie de le filmer, on ne voit pas les inscriptions faites au marquer.
Filmer une formation présentielle demande donc d’amener du matériel d’éclairage complémentaire.
Le son est un autre problème. Equiper le formateur d’un micro cravate sans fil est assez simple, à condition d’être attentif à la consommation de piles.
Mais prendre le son de la salle est une autre affaire. Il faut un ou deux micros volants, pouvant être passés d’un stagiaire à l’autre en cas de question. Sinon, il faut des micros non-directionnels à positionner à plusieurs endroits de la salle.
Là-encore, cela nécessite un peu de matériel, et de savoir faire.
Erreur n°7 : croire qu’il suffit de mettre des vidéos sur YouTube pour en faire une formation en ligne
Faux ! YouTube est un outil pour diffuser des vidéos à la manière d’une émission de télé, mais pas pour diffuser un ensemble de vidéo de formation visant un but de montée en compétence.
Les stagiaires peuvent voir les vidéos dans n’importe quel ordre, voire, peuvent en sauter, ce qui est gênant pour une montée en compétence !
On ne peut pas tracer qui a vu quelle vidéo, ce qui dans le cas de Bertrand O. est dommage, car il ne saura pas lequel de ses consultants a vu tout ou partie des vidéos.
On ne peut pas associer simplement un exercice ou des fichiers additionnels à une vidéo YouTube. Ce n’est possible que dans les commentaires de la vidéo. Pas très pratiques !
Pour être efficace, une formation en ligne doit être hébergée dans un outil spécialement conçu pour ça : un LMS (Learning Management System). Je ferai un article spécial sur ça, mais retenez qu’un LMS, ça permet de mettre chaque vidéo dans une page web spécifique, et que sur cette page web, vous pouvez mettre des fichiers additionnels, des exercices, des quizz… Le LMS trace qui a consulté quelle page, combien de temps il a passé dessus, s’il a fait ou pas les exercices…
C’est très puissant et très pratiques, le jour ou un stagiaire pose une question sur un module, pour voir si avant de poser sa question, il a fait l’effort d’essayer de comprendre par lui-même ou pas. Et donc, c’est très utile pour le formateur pour personnaliser ses réponses.
Mais alors Bertrand O. ne peut pas faire de sa formation présentielle une formation en ligne ?
Si, bien sûr qu’il le peut. Mais Bertrand doit avant tout concevoir sa formation en salle pour être filmée et découpée pour en faire une formation en ligne.
Le fil directeur doit est clair. Les transitions entre chapitres très marqués. et le formateur doit être attentif à les marquer dans son attitude physique.
Bertrand doit aussi marquer la séquence “j’enseigne – je réponds aux questions – je fais faire l’exercice – je réponds aux questions”. Comme ceci, il pourra modifier les séquences “exercices” lors de la construction de la formation en ligne.
Les échanges entre stagiaires et formateurs doivent être filmés dans de bonnes conditions pour être exploitables (caméras vers la salle, et son de bonne qualité). Idéalement, ces échanges sont repris dans une zone FAQ de la formation en ligne.
Bertrand doit prévoir que ses supports Power Point ou autres puissent être utilisés lors de la formation en ligne.
Il faut faire appel à un professionnel pour qu’il installe le bon matériel vidéo, lumière, et son pour que le rendu soit acceptable, même si la salle est dans des conditions délicates.
Finalement, dans quels cas faut-il filmer une formation présentielle pour en faire une formation en ligne ?
Filmer une formation présentielle est intéressant pour faire un “brouillon” d’une formation en ligne, sa première version 0.
Cela permet de créer cette formation en ligne à moindre coût, et de la tester ensuite partiellement ou entièrement, auprès d’un échantillon réduit de personnes.
Ces premiers stagiaires donneront ensuite de précieux retours d’expérience, qu’il faudra alors intégrer dans une version finale de la formation en ligne, la version 1.
Ce cas est fréquent si vous voulez par exemple monter une formation en ligne payante. Commencez par faire un atelier avec quelques personnes, filmez cet atelier, faites en une formation en ligne version 0, testez là auprès de quelques clients fidèles, ou bien quelques prospects à qui vous faites des conditions financières très intéressantes (paiement de 50% du prix seulement, avec accès à la V1 quand elle sera disponible).
On rencontre aussi ce cas lors du lancement d’une procédure ou d’un logiciel en entreprise. Faites une première formation en salle, filmez là. A partir de là, faites votre kit de déploiement pour l’entreprise pour pouvoir démarrer la procédure ou le logiciel. Puis quelques semaines après, faites la formation en ligne définitive destinée à durer plusieurs années.
Enfin, un autre cas est de faire une formation “quick and dirty”, à usage quasiment unique, ou à défaut, de très courte durée. Par exemple, vous devez mettre en place une procédure temporaire dans votre entreprise.
A vous de jouer maintenant !
Indiquez dans les commentaires de l’articles des cas de figure sur lesquels vous ne savez pas si vous devez transformer votre formation présentielle en formation en ligne. Je répondrai alors avec un avis éclairé.
Posez aussi vos questions complémentaires sur la technique, ou les méthodes pour bien filmer une formation présentielle. Cela alimentera un prochain article sur le sujet.
Enfin, partagez vos expériences, de formation présentielles filmées ou réussies, avec des liens vers vos sites web ou vers vos vidéos si vous le souhaitez.